Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « loi SAPIN II »)

Ce projet de loi a été adopté définitivement par le parlement le 08 novembre 2016. Néanmoins, le texte (et notamment l’article 49) qui intéresse l’assurance-vie fait actuellement l’objet d’un recours devant le Conseil Constitutionnel. Parmi les dispositions intéressant les contrats d’assurance-vie, l’article 49 vise à renforcer les pouvoirs du Haut Conseil de Stabilité Financière en cas de risque systémique. Deux éléments principaux sont concernés :

1/  Règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices

Le Haut Conseil de Stabilité Financière pourrait, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, du président de l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution), moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices pour l’ensemble des entreprises d’assurance, des mutuelles et institutions de prévoyance.

Schématiquement, cette provision permet aux assureurs de constituer des réserves de rendement qu’ils pourront  distribuer aux assurés pour les années où le rendement serait en baisse. Concrètement, cet article  permettrait au Haut Conseil, en cas de risque systémique, de contraindre les assureurs à doter la provision de façon très exceptionnelle, limitant ainsi la rémunération du contrat.

2/  Mesures conservatoires

Le Haut Conseil pourra, toujours sur les mêmes propositions et pour les mêmes acteurs, dans le cadre d’un risque systémique et afin de préserver la stabilité du système financier ou prévenir les risques représentant une menace grave et caractérisée pour la situation financière de l’ensemble des sociétés d’assurance mutuelle, prendre les mesures conservatoires suivantes :

  1. Limiter temporairement l’exercice de certaines opérations ou activités, y compris l’acceptation de primes ou versements,
  2. Restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs,
  3. Limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat,
  4. Retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat,
  5. Limiter temporairement la distribution d’un dividende aux actionnaires, d’une rémunération des certificats mutualistes ou paritaires ou d’une rémunération des parts sociales aux sociétaires.

Ces mesures pourraient être décidées pour une période maximale de trois mois, renouvelable une fois trois mois si le risque n’a pas disparu.

Il est à noter que les mesures prévues au 3. (à savoir limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat) ne peuvent être maintenues plus de six mois consécutifs.

Que faut-il conclure de ces dispositions ?

Rappelons d’abord qu’une disposition semblable figurait déjà dans le Code monétaire et financier à l’article L612-33. Le pouvoir était, jusqu’ici, dévolu à la seule ACPR et au niveau des organismes d’assurance uniquement (et non pas au niveau du marché globalement). Il ne s’agit donc pas d’une réelle nouveauté.

Le risque systémique est, à notre sens, caractérisé par deux problématiques :

– Un maintien durable pour de longues années de taux d’intérêt bas, voire négatifs, qui met en danger les banquiers et  assureurs et contraint les rendements des contrats d’assurance,

– Une remontée brutale et rapide des taux d’intérêt, qui nous semble être le risque principal visé par ce texte.

En effet, dans un tel cas de figure, les épargnants pourraient être tentés de sortir leur épargne de leurs contrats d’assurance-vie (donc de leur fonds en Euro) afin de profiter de taux d’intérêt plus élevés que le rendement de leur contrat. Ces sorties massives pourraient conduire les assureurs à vendre à perte un grand nombre d’obligations et concrétiser ainsi la menace systémique.

Il faut bien comprendre que ce texte vise à la protection des assurés. Par ailleurs, une sortie massive des épargnants de leur contrat d’assurance-vie reste hypothétique. En effet, la valeur de rachat n’est blocable que sur une durée de six mois d’une part, et d’autre part le contrat d’assurance-vie est utilisé comme un outil d’épargne long terme disposant notamment de dispositions fiscales très favorables et sans commune mesure avec des placements bancaires traditionnels qui, certes, sur une durée courte pourraient proposer des rendements supérieurs en cas de remontée des taux rapide mais pour lesquels les implications civiles et fiscales seraient dommageables pour les épargnants.

Que faire face à ce texte pour ceux d’entre vous qui craindraient pour la liquidité de leur épargne ?

Le texte vise les rachats comme les arbitrages et les avances, il n’y a donc pas de possibilité d’y échapper par l’une de ces modalités.

La seule solution envisageable à notre sens, aujourd’hui, est que les dispositions précitées ne sont pas applicables aux entreprises d’assurance-vie européennes qui exercent leurs activités sur le territoire français en libre prestation de service ou par le biais d’une succursale (ces entreprises relevant de la surveillance financière et prudentielle de leurs autorités de contrôle étatiques de leur siège social).

Ainsi, il serait envisageable de souscrire un contrat d’assurance-vie à Luxembourg. Le contrat d’assurance-vie luxembourgeois est tout à fait utilisable pour des ressortissants fiscaux français dès lors qu’il est déclaré. Il présente dans l’ensemble les mêmes caractéristiques financières, juridiques et fiscales que le contrat d’assurance-vie français. Enfin, la réglementation est contrôlée par le Commissariat aux Assurances à Luxembourg et ne dépend donc pas de la législation fiscale française.

Reste sur ce plan du contrat d’assurance-vie luxembourgeois un bémol qui concerne la possibilité de souscrire un fonds en Euro dans un contrat d’assurance-vie luxembourgeois. Le fonds en Euro est une spécificité française. La plupart des contrats d’assurance-vie luxembourgeois de filiales françaises proposent un fonds en Euro mais qui n’est que la réassurance du fonds en Euro français, ce qui implique deux conséquences :

  • ­ une rémunération moindre du fonds en Euro à Luxembourg car il faut payer la réassurance française,
  • du fait de la porosité de ce fonds en Euro avec le droit français, la possibilité que la loi Sapin II s’applique également à un contrat d’assurance-vie luxembourgeois qui serait souscrit en fonds en Euro français.

En d’autres termes, le contrat d’assurance-vie luxembourgeois reste une solution dès lors que nous ne recourons pas au fonds en Euro dans le contrat ce qui, incidemment, implique de renoncer à toute garantie en capital sur les fonds investis.

En conclusion, la loi Sapin II :

  • ­ ne fait que simplifier et systématiser une disposition qui existait déjà entre les mains de l’ACPR,
  • ­ vise des situations systémiques qui, à ce jour, ne sont pas envisagées,
  • ­ l’illiquidité du contrat serait, en l’état du texte, limitée à une durée maximale de six mois,
  • ­ des solutions existent, si vous le souhaitez, en diversification de votre épargne sur des contrats d’assurance-vie luxembourgeois et nous saurons vous apporter le conseil nécessaire à leur souscription.

Nous restons à votre disposition pour toute précision.

Achevé de rédiger le 25 novembre 2016, Laurent PIERSON.